La Transfiguration du Seigneur

Dans l’Évangile de la grande fête de la Transfiguration, nous méditons un passage un peu particulier des Évangiles. Les disciples Pierre, Jacques et Jean sont les témoins d’une manifestation surnaturelle et, dans un premier temps, ils se trouvent tellement bien que Pierre propose même de rester plus longtemps. Pourtant, dès que la voix du Père se fait entendre, l’ambiance change complètement et il nous est dit que les disciples sont saisis d’une grande crainte. Aussitôt, la manifestation surnaturelle s’arrête et Jésus s’avance pour rassurer ses disciples.

Cet épisode nous donne l’occasion de méditer ce que l’on appelle la crainte de Dieu. C’est l’un des sept dons de l’Esprit Saint et il est important de bien en connaître la signification.

Il faut bien comprendre ce que l’on entend par la formule crainte de Dieu, et le pape François nous en donne une très belle explication : La crainte de Dieu « ne signifie pas avoir peur de Dieu : nous savons bien que Dieu est Père, et qu’il nous aime et veut notre salut, et qu’il pardonne, toujours ; c’est pourquoi il n’y a aucune raison d’avoir peur de lui ! La crainte de Dieu, au contraire, est le don de l’Esprit qui nous rappelle combien nous sommes petits face à Dieu et à son amour et que notre bien réside dans l’abandon, avec humilité, avec respect et confiance, entre ses mains. Telle est la crainte de Dieu : l’abandon dans la bonté de notre Père qui nous aime tant. » (Pape François, Audience générale, 11 juin 2014)
Jésus, dans son Incarnation, n’est pas venu comme un Seigneur puissant capable de nous écraser comme il aurait pu le faire. Il est venu comme un simple charpentier qui voulait étendre son Règne par l’amour et non par la peur.

Pour autant, face à Dieu que nous savons tout-puissant, il est important de manifester notre respect et notre déférence. Si nous croyons vraiment en lui, il est normal d’avoir cette sainte crainte qui ne doit surtout pas nous paralyser et nous éloigner de lui. Au contraire, nous devons être rassurés d’être les disciples d’un Dieu si puissant et pourtant si proche. C’est ce qu’exprime saint Jean Newman et que le Catéchisme nous enseigne : « Les sentiments de crainte et de sacré sont-ils des sentiments chrétiens ou non ? Personne ne peut raisonnablement en douter. Ce sont les sentiments que nous aurions, et à un degré intense, si nous avions la vision du Dieu souverain. Ce sont les sentiments que nous aurions si nous « réalisions » sa présence. Dans la mesure où nous croyons qu’il est présent, nous devons les avoir. Ne pas les avoir, c’est ne point réaliser, ne point croire qu’il est présent. (Newman) » (Catéchisme de l’Église catholique, 2144)

Réflexion

La parabole du semeur est un passage d’Évangile qui revient souvent dans la liturgie catholique. Contrairement aux autres paraboles, ces versets comportent quelque chose de très particulier puisqu’ils contiennent à la fois la parabole et son exégèse officielle. C’est un peu singulier de trouver cela dans les Évangiles. Chaque image de la parabole pourrait mériter une méditation propre, mais c’est la démarche du Christ qui va particulièrement nous intéresser.
Les apôtres ne s’y trompent pas et demandent clairement : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » Cette question est plus que justifiée. Nous avons en effet le plus grand expert en théologie qui, plutôt que de nous laisser les meilleurs traités sur Dieu et les réponses à tous les mystères de tous les temps, nous parle simplement d’un petit paysan qui va semer des graines dans son champ.

Cette attitude du Christ doit nous laisser interrogateurs et la réponse du Seigneur n’est pas forcément convaincante : « Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. » Le Seigneur se moquerait-il de nous et de notre faible capacité intellectuelle ?
Au verset 15, le Seigneur insiste : « Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, – et moi, je les guérirai. » Ce qu’il faut noter avant tout c’est que, pour voir, le Seigneur parle de nos yeux, pour entendre, de nos oreilles, et pour comprendre curieusement c’est notre cœur l’organe désigné. Ce n’est pas surprenant puisqu’au temps de Jésus le cœur est considéré comme le lieu où réside l’âme et donc toute la partie immatérielle de l’homme, son esprit et donc aussi son intellect.

Mais alors de quelle compréhension parlons-nous ? Pour nous, au XXIe siècle, la compréhension se limite très vite à un exercice intellectuel qui doit être fourni par le cerveau pour pouvoir comprendre la logique interne d’un raisonnement. Ce n’est pas vraiment ce qu’entend le terme biblique. Nous sommes plutôt face à une découverte profonde d’une nouvelle réalité qui est plus une expérience de toute la personne, ses sens, son instinct et aussi son intellect. C’est cette connaissance avec le cœur qui n’est pas un raisonnement mathématique froid, mais une conviction profonde qui ne s’explique peut-être pas facilement mais qui est profondément ancrée.